LES DESSOUS DE L'HISTOIRE DU DAGUERREOTYPE

NICEPHORE, LOUIS et les Autres

l'action se passe le Dimanche 06 janvier 1839 au domicile de Mr FRANCOIS ARAGO 17 boulevard des Italiens au second étage d'un très bel hotel particulier de Paris.

Nous sommes la veille de la célèbre séance de l'Académie des Sciences qui va "donner au monde" le Daguerréotype et qui aura lieu le lendemain et le scientifique prépare son intervention avec HENRI GAUCHERAUD; il ne s'attend pas au cataclysme de communications qui suivra.

L'intrigue est basée sur le fait que beauoup de scientifiques se présentent et revendiquent l'antériorité de l'invention non seulement les amis d'HENRI FOX TALBOT les plus virulents, mais une foule d'autres...

 

Lundi 07 janvier 1839

FRANCOIS ARAGO :

" chers collègues

jusqu'à présent personne n'était parvenu à fixer les images qui se forment dans la chambre obscure. Mais je suis en mesure, aujourd'hui, solennellement de vous annonçer qu'un Français LOUIS MANDE DAGUERRE vient de réaliser un vieux rêve de l'homme : enregistrer le moment qui passe, rapporter des souvenirs de voyages lointains, dresser des inventaires visuels et une carte du ciel. Les jours qui suivront verront ce secret divulgué"

 

La semaine suivante va se produire un évènement rarissime : surgissent brutalement de nombreux chercheurs qui affirment, sincèrement, avoir résolu la difficulté de fixer des images de la chambre obscure bien avant la date de divulgation de l'invention de LOUIS MANDE DAGUERRE.

 

Dans le mois qui suivit l'annonce le plus virulent des chercheurs fût HENRI FOX TALBOT , anglais vite débouté quand on connaît l'ambiance politique d'alors.

 

Rappelons que nous sommes en 1839 et que quelques années auparavant mourait NICEPHORE NIEPCE en 1833, laissant ainsi seul LOUIS MANDE DAGUERRE et que c'est au cours d'une visite à la Royale Society de Londres qu'il voulut présenter en 1827 quelques planches gravées par la seule action de la lumière sur certains vernis.
Il appelait son invention l "héliographie" qui n'intéressera pas les Anglais, la brochure accompagnatrice étant trop succinte.

 

Rappelons encore, mais en 1826 cette fois, qu'un inconnu se présente chez l'opticien CHEVALIER pour faire l'acquisition d'un matériel permettant, grâce à sa solution dont il laisse un exemplaire à l'opticien, de fixer les vues de la chambre obscure. La discrétion du personnage laisserait penser à HIPPOLYTE BAYARD.

 

il est particulièrement intéressant de situer le contexte historique de ces années. FRANCOIS ARAGO député de Perpignan est un indéfectible Républicain adepte des méthodes d'intervention de l'Etat en matière économique -contrairement aux Anglais avec "leur laisser faire qui produit du chomage" et un propension à vouloir élever le niveau d'instruction des masses ; tout ceci n'étant rien d'autre que le programme Républicain de 1830. L'homme politique était donc tout disposé à l'égard de LOUIS MANDE DAGUERRE et de sa "machine à reproduire". Mais il n'y pas que celà.
En effet les Anglais ont examiné la Révolution de 1830 avec inquiétude, mais ils furent vite rassurés avec "l'entente cordiale" qui le devint moins dans les années 1838/1839 lorsque les Français accusèrent les Anglais de s'en prendre à la production industrielle Française ; un journal de cette date reprenant même , en des termes fleuris la diatribe :

"l’Angleterre est la nation du monde la plus égoïste, la plus avide. [...] On chercherait en vain dans ses actes une pensée de civilisation, de fraternité humaine : elle ne pense et n’agit qu’en vue de ses intérêts commerciaux et industriels; N'allons pas croire après tout celà que les Anglais pouvaient revendiquer une quelconque antériorité par rapport à l'invention de LOUIS MANDE DAGUERRE;

Avec tous ces éléments ne résistons pas au plaisir de donner la liste des antériorités de l'invention récompensée par une pension (loi de 1839 et tout ce qui suivra en contestation de tous genres de la décision ) aux héritier de NIEPCE et à L M DAGUERRE , même si le classement est pûrement spéculatif et partial :

les Français les  plus sérieux :

- NICEPHORE NIEPCE  (évidemment)

- l'inconnu en visite chez CHEVALIER en 1826 ( là on n'est pas très avançés)

- JEAN BAPTISTE DUMAS aurait aidé LM DAGUERRE , mais pas de traces

- HYPPOLITE BAYARD trop modeste pour se mettre en avant

- DESMARETS expérimente les sels d'argent

- VERIGNON utilise l'iodure d'argent

- LASSAIGNE utilise également l'iodure d'argent

 

 les plus sérieux

- HENRI FOX TALBOT utilise le chlorure d'argent et se manifeste auprès de l'Académie le 20 01 1839

- SIR WILLIAM HERSCHEL fixation de l'image à l'hyposulfite de sodium et au carbonate d'argent ( 26 01 1839)

 

Les autres revendicateurs :

- STEINHEiL et KOBELL sels d'argent

- GERBER sels d'argent

- FRIEDERIKE WILHELMINE VON WUNSCH sels d'argent

- Révérend  JB READE chlorure d'argent

- SAMUEL F B MORSE ( oui celui du procédé !) sels d'argent

- BREYER procédé réflectographique

- FYFE phosphate d'argent

- MUNGO PONTON sels de chrome

- HANS THOGER WINTHER sels d'argent

Ce qui est évident au XXI ième siècle c'est que tous les livres, les revues, les manuels scolaires ( si tant est qu'on en parle encore !) dits "grand Public" ne nomment à la découverte de la PHOTOGRAPHIE* que N. NIEPCE* et L.M. DAGUERRE* ce qui n'est que justice ! Des écrits existent sur la période et les circonstances de la découverte, mais il faut vraiment chercher dans des revues d'initiés ou de spécialistes voire de chercheurs pour reconstituer toute l'histoire.
Ajoutons à ces éléments la polémique - il faudrait plutot écrire LES polémiques - sur le bien fondé de la pension attribuée aux créateurs et à leurs descendants, sur le fait que L.M. DAGUERRE* ait volé l'invention de NIEPCE* car ce n'était à l'époque qu'un saltimbanque, on dirait presque aujourd'hui un ....commercial.

Il n'empêche, dans tout celà, que tout le monde s'accorde à dire, à écrire que l'invention est bien Française par son antériorité ; il est amusant de constater que quarante ans plus tard à la présentation de la première photographie en couleurs les polémiques de paternité iront bon train toujours opposant Français et Anglais..

sources bibliographiques

Anne McCauley, « Arago, l’invention de la photographie et le politique », Études photographiques, 2 | Mai 1997, [En ligne], mis en ligne le 12 septembre 2008. URL : http://etudesphotographiques.revues.org/125. consulté le 19 janvier 2017.

 

Les articles de Pierre G. Harmant

 

Article paru dans "Camera" de Lucerne - Mai 1960 - pp. 24-31

Anno Lucis 1839 (1/3)

L'histoire de la photographie en anecdotes

de Pierre-G. Harmant, archiviste de la Société Française de Photographie